Entretien avec Paul-Louis Beaujour, auteur du livre Larry Thorne terreur des Rouges (Éditions Déterna)
Comment avez-vous découvert le personnage de Larry Thorne ? Larry Thorne (né Lauri Torni) est un personnage légendaire sur lequel on tombe forcément un jour ou l’autre lorsqu’on s’intéresse un tant soit peu à la IIe Guerre mondiale, et plus particulièrement au rôle que la Finlande y a joué. Il me paraissait étonnant qu’aucune biographie de celui qui a inspiré le best seller de Robin Moore « Les Bérets verts » et le film (culte, osons le mot) de John Wayne du même nom, n’exista en langue française. Je compris mieux la raison de cette carence lorsque j’appris que Thorne avait effectué deux « stages » parmi les Waffen-SS (en juin 1941 et en janvier 1945) dont il n’avait pas conservé un souvenir franchement déplaisant et qui s’avérèrent par la suite bien utiles. Le SS-Hauptsturmführer Larry Thorne était donc un héros (au moins aux yeux des Finlandais) mais aussi un « maudit » ! Il n’en fallait pas plus pour éveiller ma curiosité et rendre enfin hommage au « Rambo finlandais », à l’« anticommuniste absolu ». Larry Thorne a servi sous trois uniformes : celui de l’armée finlandaise, de la Waffen SS et de l’US Army… Vous le décrivez comme la « terreur des Rouges » : est-ce sa seule motivation ou n’aurait-il pas aussi été un peu (beaucoup ?) mercenaire ? Si vous entendez le mot « mercenaire » dans le sens wikipediastique : « recruté et payé par un État, une entreprise, un mouvement politique pour combattre », certainement pas. La seule période où Larry Thorne a plutôt bien gagné sa vie, c’est entre 1951 et 1953, lorsqu’il était clandestin à New York et employé « au noir » dans le bâtiment ! Thorne était viscéralement anticommuniste (comme son père et la plupart des Finlandais) depuis son plus jeune âge et avait fait partie de la fameuse Suojeluskunta (la « Garde Blanche », une redoutable force d’appoint civile paramilitaire) où il avait déjà démontré, à 16 ans, des dispositions combatives que l’on peut qualifier d’exceptionnelles. Tous les témoignages concordent : Thorne était un « guerrier-né », une authentique « bête de guerre », doté d’une force, d’une intrépidité et d’une endurance peu commune, et il n’était heureux et dans son élément que lorsqu’il combattait les Rouges. D’ailleurs, les périodes d’inaction ne lui réussissaient absolument pas : il s’alcoolisait énormément, devenait totalement incontrôlable et finissait presque toujours par se battre, souvent contre plusieurs adversaires à la fois et pour des raisons futiles. Dans ces moments-là, il fallait mieux l’avoir comme copain... et encore ! Son passé dans la Waffen SS a-t-il été un obstacle à son incorporation dans l’US Army ? A-t-il été le seul dans ce cas ? Ou y en a-t-il d’autres, à l’exemple de nombreux Français du Front de l’Est engagés ensuite en Indochine ? C’est en juin 1950, au tout début de la guerre de Corée, que le Congrès américain adopta la loi « Lodge Philbin » destinée à « pourvoir à l’enrôlement d’étrangers dans l’armée régulière » des Etats-Unis. Une sorte de Légion Etrangère sauce US... Le but initial était en réalité de recruter d’anciens ressortissants du bloc soviétique (Finlande incluse) pour les « réinfiltrer » ensuite derrière le rideau de fer. Parmi les premiers à être recrutés se trouvèrent effectivement plusieurs des compatriotes (et camarades de combat) de Thorne, les vétérans de l’ancien colonel Alpo Marttinen, les fameux « Marttinen’s Men », employés par l’US Army en tant qu’instructeurs des « techniques de guerre d’hiver ». En pleine guerre froide, autant dire que le passé « légèrement sulfureux » de Thorne ne pesa pas lourd face à ses exploits durant la guerre de Finlande (1941-1944) pour lesquels il avait reçu, entre autres, la prestigieuse Croix de Mannerheim (n° 144), et l’US Army avait bien conscience que ce serait une aberration de se passer de l’expertise de ce gars-là, même si sa conduite brindezingue lors des permissions s’avérait... problématique. En 1957, à Bad Tölz, lorsque le chef du 10e Special Forces Group Airborne lui confiera l’instruction des nouvelles recrues, Thorne assurera, excusez du peu, les cours de tactique commando, close combat, ski, survie en montagne, plongée, et explosifs ! Des « spécialités » dont il était devenu l’expert incontestable justement grâce à ses deux stages au sein des Waffen-SS... Larry Thorne terreur des Rouges de Paul-Louis Beaujour, Éditions Déterna, Collection « Documents pour l'Histoire », dirigée par Philippe Randa, 230 pages, 29 euros.
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