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Le titre du deuxième volet de votre diptyque – le premier étant la Justice dévoyée ; le gouvernement des juges – n’est-il pas provocateur voire blessant pour beaucoup ? La liberté est en effet intimement liée à la justice ; c’est pourquoi j’ai voulu créer un continuum avec ces deux idées ou principes fondamentaux pour la vie des peuples en société. Provocateur ? Peut-être plutôt iconoclaste, car on a fait de la liberté un idéal intouchable par calcul politique avec des conséquences souvent sanglantes. Mais je comprends que les héritiers de ceux qui sont morts pour cet idéal puissent être choqués par le titre. Une lecture plus complète pourra peut-être, au-delà de l’émotion première, apporter d’autres réponses. Pourtant vous n’abordez pas la liberté sous l’angle, justement, de cet idéal sacré tel qu’elle est habituellement décrite… Tout d’abord, il est essentiel de comprendre de quoi on parle et de décortiquer l’amalgame qui a été fait au fil des deux derniers siècles entre La Liberté et Les libertés individuelles. Ces deux notions n’ont rien à voir entre elle. La première prend en compte, à la fois, les contraintes acceptées de la Nature dans une conception de l’homme comme un élément respectueux de ses lois, et l’idée que la liberté ne peut se concevoir que comme celle de la Cité, c’est-à-dire celle d’un groupe homogène qui la place au sommet de la pérennité d’une nation, d’un peuple. Ainsi, le fait de considérer l’homme dans la Nature et non pas comme aujourd’hui, extranaturel et son dominateur méprisant comme le christianisme l’a enseigné depuis 2000 ans, fait de la liberté une notion très relative qui devrait incliner à plus d’humilité. Mais la liberté et les libertés individuelles ne sont-elles pas inséparables ? Justement non ! Au contraire, les libertés individuelles détruisent La liberté d’un peuple car elles lui ôtent sa substance homogène et tendue vers un objectif commun. Non pas qu’il faille supprimer toutes les libertés quotidiennes bien sûr ! mais que les libertés soient justement circonscrites dans les choix quotidiens et non qu’elles empiètent jusqu’à corrompre toutes les nécessités du Bien commun, les identités, l’histoire et donc le devenir d’un peuple. Vous évoquez largement la liberté comme une manipulation ou une instrumentalisation politique. N’est-ce pas trop réducteur ? La plupart des penseurs politiques, les plus fins tacticiens de la politique, ont dépeint toutes les manières de faire adhérer un peuple à une élite dirigeante. Et notamment à travers l’utilisation de la liberté : « Je suis la liberté, mon adversaire est contre votre liberté », voilà comme on pourrait résumer la manœuvre. Finalement, aucun dirigeant ne recherche la liberté et lui préfère l’imposition de son idéologie, que ce soit par la dictature ou la démocratie par des moyens plus subtils et pernicieux. Et là encore, l’utilisation idéologique des libertés individuelles permet de détruire la véritable liberté : celle des peuples et de leurs spécificités. Finalement vous affirmez que la liberté n’existe pas dans les faits ni même comme principe… J’ai dans ma réflexion de prestigieux prédécesseurs comme Albert Einstein, par exemple, avec bien d’autres, qui concluent que la liberté, telle qu’elle est comprise dans notre modernité, et plus encore notre postmodernité, n’existe pas. J’ajoute que j’accuse les idéologues d’aujourd’hui d’avoir détruit la liberté, celle de leurs peuples, au nom de libertés individuelles, artefacts d’une instrumentalisation politique qui a fait, et fera encore, tant de morts sacrifiés dans des élans parfois glorieux malheureusement sincères. Les libertés individuelles font croire à La liberté. Magnifique tour de passe-passe politique ! La comédie de la liberté, Richard Dessens, Éditions Dualpha, collection « Patrimoine des héritages », préface de Philippe Randa, 214 pages, 27 €
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